Depuis jeudi, la grande fête marchande du livre tient salon dans notre espace privé par le biais des plateformes en ligne. En écho avec cette activité, deux événements littéraires consécutifs cette fin de semaine impliquaient des membres de ma famille.
Samedi, Serge Poulin nous a présenté Marche avec le fleuve (en bibliothèque), un recueil de poésie publié aux éditions Charlevoix et illustré par ses enfants. Ce projet d’écriture et de guérison a été porté par Magtogoek, « le nom véritable » du fleuve dit le « Chemin qui Marche ». Cette traversée est aussi un mouvement à rebours, une histoire originelle de la Malbaie, depuis le choc tellurique qui a façonné l‘astroblème, en passant par les faiseurs de goélettes et jusqu’à lui, cet homme qui reprend vie et route en traçant un héritage. Quelle oeuvre forte, émouvante. Les participant.e.s au zoom-lancement venaient d’aussi loin que le Mexique.
Il y a quelques années, j’ai songé à développer une collection d’oeuvres ayant le fleuve pour sujet. J’ai renoncé assez rapidement à cette idée car, à mon plus grand étonnement, il existe assez peu de productions dans la littérature québécoise qui portent sur le fleuve. Suite marine de Robert Choquette était l’emblème de cette proto-bibliothèque, Marche avec le fleuve le rejoint.
Le lancement de ce recueil devait se tenir à la Bibliothèque Laure-Conan ⎼ celle de la Malbaie. Je salue les bibliothèques qui s’intéressent aux initiatives d’écriture et d’éditions locales, qui les supportent et les valorisent : ces projets donnent lieu à des contenus exclusifs avec une forte empreinte identitaire. Ils offrent à ces institutions un moyen de se poser comme symbole des aspirations communautaires. En raison de la pandémie, l’événement n’a pas pu, malheureusement, se dérouler tel que prévu à la bibliothèque, mais on peut imaginer que certains établissements puissent mettre à la disposition de leurs communautés littéraires, des opportunités et des alternatives en ligne.
C’est, à ma connaissance, le second recueil de l’oeuvre poétique de Serge Poulin. Le précédent ouvrage s’était concrétisé par le biais d’un projet d’autoédition : Poèmes du présent en gerbes. Pas de page de titre, pas d’année de publication, pas de quatrième de couverture avec un code-barres, pas d’ISBN* 😱 bref tout ce qu’il faut pour épouvanter les gens de bibliothèque comme moi, mais quelle voix ! Quelle capacité poétique là encore !
Dimanche, au Salon du livre de Montréal, mon beau-frère, Serge Marquis, enfant prodige d’une famille de prodiges ⎼ c’est dire ⎼ à présenter son nouvel opus, un album qui s’intitule Papa (en bibliothèque). À l’automne 2018, Serge avait parlé ⎼ il est un homme de parole avec toutes les significations possibles que l’on voudra bien donner à l’expression ⎼, et son hommage d’homme à homme avec son père qui venait de mourir, avait eu sur nous tous et toutes un très grand effet.
Son ami, l’illustrateur, Gilles Rapaport, qui avait eu l’occasion de lire le texte par la suite, en fut remué au point de lui proposer de co-créer un album « pour les enfants de 4 à 104 ans. » Il s’adresse à ceux et celles qui souffrent de la perte incommensurable d’un parent, qui portent ce vide comme un trop plein en cherchant le sens à (se) reconstruire, avec des mots et des images pour le dire. C’est plus que beau. Imaginez la pertinence de cette oeuvre alors que frappe la pandémie-faucheuse.
On peut entendre l’auteur qui participe au Salon du livre 2020 nous raconter cet ouvrage sur le deuil qui est surtout, comme l’a bien vu Gilles Rapaport, un livre sur l’amour. Nous sommes de nouveau, pour faire le pont entre ces deux écrivains, dans la littérature comme espace de guérison, espace de rencontre avec soi-même et ceux et celles que l’on aime.
*Ces éléments de paratexte et dispositifs bibliographiques contribuent durablement à assurer la gestion, le repérage des publications et, de façon nécessaire mais non suffisante, la découvrabilité des oeuvres.
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