Le classement Wikio est sorti hier. Martin Lessard, avec son à-propos habituel, a fait certaines observations sur le classement québécois. Il constate : 1) une très grande variabilité de la liste d’un mois à l’autre; 2) la domination de trois thèmes : les technos, les actualités, la bouffe avec les exceptions d’un blogue sur la bibliothéconomie et d’un autre sur le crochet; 3) l’importance des institutions, surtout des journalistes; 4) l’absence de nombreux blogues de qualité.
La crédibilité et la valeur de ce type de palmarès sont largement et sainement discutées dans le cadre d’un rituel mensuel. Martin Lessard souligne à son tour la faiblesse de l’exercice en pointant le caractère arbitraire du classement qui fait remonter à la surface un blogue sur le crochet. Dans ce cas, je voudrais faire remarquer que le blogue en question indexé crochet serait mieux catégorisé comme un blogue de famille (les anglos parle de mom’s blog) puisqu’on peut y lire des tranches de vie bien plus que des conseils pour faire ses mailles. Et on connaît les succès de ces blogues qui investissent les thématiques du quotidien.
Ensuite, Martin insiste sur la dimension occulte de l’algorithme. Il y a indéniablement des facteurs qui sont contestables dans les classements toutefois, si l’on veut critiquer le classement Wikio ici, on ne devrait pas le faire en invoquant simplement son caractère algorithmique car, justement, il n’est pas bêtement algorithmique puisque des efforts sont investis pour aller au-delà d’un critère réducteur comme celui de la fréquentation par exemple. Et l’intérêt de certains algorithmes, pour ne pas nommer celui Google, avec ses forces et ses faiblesses, donnent quelques résultats.
Mais, quoiqu’on en dise et qu’on en dira, mois après mois, le dilemme a ceci d’insoluble qu’on ne pourra jamais connaître cet algorithme pour en faire une évaluation rigoureuse puisque sa révélation lui ferait perdre toute signification – dans la mesure où les blogueurs ajusteraient leurs pratiques en fonction de l’algorithme.
En revanche, mon objectif n’est pas de défendre le classement, mais plutôt d’ajouter, si jamais on peut en conclure quelque chose, une ou deux observations à celles de Martin. J’ai fait quelques décomptes statistiques qui ont induit chez moi un trouble sociologique. Voici le classement, que j’ai repiqué sur Triplex.
- (techno) Blogue Marketing Web 2.0 et Techno
- (techno) Descary.com
- (bouffe) Les gourmandises d’Isa
- (actualité) Le blogue de Jean-François Lisée
- (bouffe) Les plats cuisinés de Esther B
- (actualité) Blogue Patrick Lagacé
- (actualité) Poste de veille
- (bouffe) Le palais gourmand
- (actualité) Richard Hétu
- (bibliothéconomie) Bibliomancienne
- (bouffe) Les mille et un délices de Lexibule
- (techno) Michelle Blanc
- (techno) DominicArpin.ca
- (design) marevueweb
- (livres) La bibliothèque d’Allie
- (famille) Antoni, Borys & Cie
- (techno) Webketing
- (bouffe) Doumdoum se régale!
- (crochet) Katoumi
- (actualité) Richard Therrien
Dans le Top 20, 10 blogues sont tenus par des femmes : 50% de blogueuses, les femmes sont à parité. Ceci étant dit, les thématiques de ces blogues sont les suivantes : 5 blogues de bouffe, 2 blogues de famille ( si je me permets de recatégoriser Katoumi sous famille plutôt que crochet), un blogue de livres, un blogue techno et un blogue de bibliothécaire (je dirais plutôt dans ce cas un combo livres et techno).
Du côté des hommes, 4 blogues techno, 5 blogues d’actualité et un autre sur le design.
Je ne voudrais pas qualifier cette différence de genres de manière péjorative mais on observe des variations significatives quant à la manière d’occuper ici la blogosphère. La majorité des femmes de ce top 20, soit 7 sur 10, prennent la parole pour converser sur la sphère privée. Aux autres, la sphère publique et l’horizon technologique dans une proportion écrasante de l’ordre de 9 sur 10.
En d’autres termes, cet échantillon suggère un biais dans la blogosphère en termes de genre et qui favorise les hommes dans le contrôle du discours sur la technologie et le politique. On documente depuis des décennies ce fait que les hommes dominent le monde de l’information et des médias que ce soit comme propriétaires, comme générateurs de contenu ou comme sujet de l’actualité. Information is power. Par ailleurs, la société est aujourd’hui extrêmement dépendante de l’évolution rapide des technologies, et ici encore, les femmes n’apparaissent pas en position, en termes de nombre, pour faire une différence dans la technopolis.
Alors la question qui s’impose, on l’aura deviné : pourquoi les gars n’ont-ils pas davantage de blogue de cuisine?
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