Les revues et les magazines sont une espèce documentaire dont l’intérêt déborde largement les contenus textuels. J’en lis beaucoup sur le web par fragments, des articles ici et là, comme on écoute ou achète des morceaux de musique. Mais, ça m’arrive encore d’en ramasser un lot dans leurs atours de papier pour faire l’expérience totale de la facture graphique, du format, de la typographie, de la maquette, des vides, des pleins, du logo, des illustrations, des photos, du papier, glacé, recyclé, combien de plis, broché ou collé.
Je suis aussi très curieuse de voir comment ces périodiques négocient leur présence web, comment la relation entre leurs modalités physiques et numériques est articulée, leur manière de se compléter, de s’enrichir (ou pas). À un moment donné, je ne suis pas insensible non plus à la fraîcheur du propos, à l’audace, aux talents fous de certains auteur(e)s, à la rareté, au fringe.
Je vais bientôt faire l’acquisition d’un iPad2 et je suppose fort que ma pratique de la lecture de revues sera modifiée par cette technologie mais sans nostalgie et sans trop sacrifier l’expérience graphique – pour ce que j’ai pu constater sur les tablettes que j’ai essayées. Avant de dématérialiser ma bibliothèque occasionnelle, voici une sélection de titres que j’ai butinés chez les marchands : il y a les habitués que je fréquente souvent, d’autres qui sont des trouvailles, mais toutes ces revues méritent le détour/parcours si la culture contemporaine vous intéresse ou, encore, le futur puisque cette thématique est commune à plusieurs de ces numéros courants.
1. DAMN. A magazine on contemporary culture -> DAMn° is an independent publication with an open-minded view on the interchangeable worlds of design, architecture and art. Le No 27 est l’édition de janvier-février mais c’est encore celle qui est disponible en kiosque. Revue européenne, du zeitgeist à l’état pur mais dense. Exemples : le premier article porte sur la capitale de l’Angola, Luanda, identifiée comme la 15e ville dont la croissance est la plus rapide au monde et considéré en 2010 comme la cité la plus chère de la planète…paradoxe, distorsion, métropolis extrême. L’art de rue des jumeaux brésiliens, Osgemeos, occupe le second article, puis on croise ensuite les boiseries de Katrin Sigurdardottir et le penseur du design 2.0, Tal Erez, qui voit dans le 3D, les effets de l’Internet et des technologies sociales, le déploiement d’une nouvelle réalité qui confronte radicalement les designers et ça continue sur ce mode pendant 152 pages.
2. ENTRE LES LIGNES -> Entre les lignes c’est un large éventail de suggestions de livres québécois et étrangers, des actualités littéraires, de grands dossiers, des reportages, des entrevues avec des auteurs d’ici et d’ailleurs, avec des lecteurs et des artisans du livre. Non, on n’est pas dans la marge ici mais le produit est toujours réjouissant, en particulier, ce volume 7 numéro 3 (Printemps 2011) qui présente un dossier sur la littérature au féminin avec un article qui interroge : La lecture a-t-elle un sexe? Les archives de 2006 à 2009 sont accessibles en plein texte, comme désormais plusieurs revues culturelles sur Érudit.
3. ONE SMALL SEED -> South Africa’s pop culture quarterly. On peut feuilleter cette publication en ligne qui vient, on le souligne…d’Afrique du Sud! Le numéro spécial Issue 21 : The Future / Retro Edition comprend un entrevue exclusive avec le « futuriste » Mike Walsh. À la question : What implication do you think print media has for print media ? Walsh a cette réponse from Tomorrowland :
If digital media made one thing clear it is this: media companies need stop thinking they are in the medium business. A newspaper is not a bundle of dead trees, a TV is not a broadcast receiver, a radio is not a iTunes playlist you can’t control. Print will survive, but not in print. The future of the newspaper is as content brand that lives in whatever format audiences desires – now and in the future. If they don’t, they won’t.
4. THE ATLANTIC -> Américain, bostonnais, ce magazine bien connu a été fondé en 1857. « It was created as a literary and cultural commentary magazine. It quickly achieved a national reputation, which it held for more than a century. It was important for recognizing and publishing new writers and poets, and encouraging major careers. It published leading writers’ commentary on abolition, education, and other major issues in contemporary political affairs. »(Wikipédia) Dans ce numéro (avril 2011), on peut lire l’article : Learning to Love the (Shallow, Divisive, Unreliable) New Media par le vétéran James Fallows qui est toujours brillant même lorsque l’on n’est pas d’accord avec lui :
I now think it’s worth facing the inevitability of the shift to infotainment and seing how we can make the best of it.
5. THE BELIEVER -> The Believer is a monthly magazine where length is no object. There are book reviews that are not necessarily timely, and that are very often very long. There are interviews that are also very long. We will focus on writers and books we like. We will give people and books the benefit of the doubt. The working title of this magazine was The Optimist. Une différence assumée et un design vintage qui lui donne une qualité exclusive en tant qu’objet papier. En ligne, des extraits généreux des articles du numéro courant sont disponibles ainsi que quelques pleins textes. Ce numéro (March/April 11) propose une édition spéciale sur les films; un DVD accompagne le document. On y inaugure aussi un prix de poésie. The Believer a une excroissance en ligne sous la forme déjantée de McSweeney’s Internet Tendancy, un vrai bonheur pour les initiés, et qui publie, au quotidien, des créations littéraires et humoristiques.
6. THE NEW YORKER -> The Atlantic est à la Nouvelle-Angleterre, ce que The New Yorker est à la ville éponyme. « The New Yorker is an American magazine of reportage, commentary, criticism, essays, fiction, satire, cartoons and poetry published by Condé Nast Publications. Starting as a weekly in the mid-1920s, the magazine is now published 47 times annually, with five of these issues covering two-week spans. Although its reviews and events listings often focus on the cultural life of New York City, The New Yorker has a wide audience outside of New York. It is well known for its commentaries on popular culture and eccentric Americana; its attention to modern fiction by the inclusion of short stories and literary reviews; its rigorous fact checking and copyediting; its journalism on world politics and social issues; and its single-panel cartoons sprinkled throughout each issue. » (Wikipédia) Sur le site, les auteurs bloguent, de nombreux contenus audiovisuels sont offerts, quelques articles sont déverrouillés dans les archives. The New Yorker offre une application pour iPad. Dans ce numéro (April, 4, 2011), l’article de Adam Gopnik, Mind vs Machines, on the limits of artificial intelligence, explore la question : « How will we know when machines are more intelligent than we are? » Incidemment, Gopnik a grandi à Montréal, ses parents enseignent à l’Université McGill.
7. VALLUM : contemporary poetry -> Founded in 2000, Vallum: contemporary poetry is one of Canada’s top critically-acclaimed all-poetry magazine. Vallum has positioned itself has a avant-garde exposition of the best in poetry, providing a literay platform for established and emerging writers in Canada. Leur présence en ligne est encore timide, en termes de design et de contenus accessibles, mais le blogue est un rendez-vous pour les amateurs de poésie. Le no 8:1 est consacré à la thématique : Futures.
Et enfin, du côté jeunesse :
8. ANORAK The happy mag for kids -> Nouvellement disponible à Montréal, je l’ai trouvé chez Drawn & Quaterly sur Bernard pour qui s’était le premier arrivage. C’est la littérature en fête, une superbe chose dont la facture présente des similiarités avec THE BELIEVER: le côté vintage, le délire typographique et iconographique, le papier recyclé, l’objet-culte. Le vol. 17. de cette publication anglaise, destinée aux 8-12 ans, a un article intitulé Long Live Libraries! avec un portrait de la British Library et de la bibliothèque d’Amsterdam. L’édition du printemps n’est pas encore disponible ici. Il est possible de feuilleter des extraits de chaque numéro sur le site.
On constate que la présence web de la plupart de ces publications remarquables n’est pas à maturité : celles-ci proposent peu, pour le moment, de contenus adaptés ou à valeur ajoutée. Mais les machines sont en marche.
Dans un effort de prospective, et en bonus pour finir, voici la proposition sur le futur du live d’ici 2080 de James Warner sur McSweeney, qui ne manque pas d’esprit et qui s’applique aussi bien aux revues :
2020: All Books Will Be Cross-Platform and Interactive.
2030: All Books Will Be Crowdsourced and Cloud-Based.
2040: Authors Will Become Like Tamagotchi.
2050: Analog Reading Will Be Digitally Simulated.
2060: Physical Books Will Make a Comeback in Annoying Contexts.
2070: We Will All Become Cyborgs.
2080: A Golden Age of Informational Fluidity.
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