Sarah Houghton-Jan a proposé cet énoncé que j’ai traduit dans son intégralité et auquel j’ai maintenant décidé d’apporter quelques légères modifications contextuelles. J’ai bien lu les commentaires dans le billet que j’ai précédemment publié et je remercie F Bon, Hubert Guillaud, NumerikLivres, Luc Loubier, Nicolas Ancion pour avoir partagé leurs points de vue. Voici ce que je tente comme réponse après m’être donné un peu de temps pour y penser et pour consulter. On me dira sans doute que j’aurais pu y penser encore un peu plus, et je suis d’accord au point de penser qu’une 3ième version, dans le vide actuel, ne représenterait pas une surcharge informationnelle.
La doctrine de la première vente n’existe pas, en effet, dans le droit canadien, ni dans le cadre du projet de loi C-32, ni en France. Elle fait partie de la loi du copyright américain.
Mais, ainsi qu’une personne ressource de mon réseau m’a fait valoir : « avec le numérique il n’y aurait pas d’achat ou de vente de fichiers mais seulement des contrats de licence d’utilisateur final » et « [d]ans ce contexte, l’utilisateur n’aurait plus aucun droit mais que des obligations. Le contrat interdirait ainsi la revente de ces fichiers et imposerait des conditions drastiques ».
Or, l’intérêt de la question de la revente n’est-elle pas de constituer un cas limite, un test qui oblige à penser un cadre juridique autre que celui qui prévaut dans ce modèle qui s’édifie sur des contrats de licence et qui est défavorable à l’utilisateur ? À ce titre, un modèle qui serait dans l’esprit de la doctrine de la première vente ne constituerait-il pas un appareil plus équilibré qui permettrait d’inscrire l’utilisateur comme un propriétaire réel, ou à tout le moins comme un utilisateur avec des droits, et pas seulement des obligations? Par conséquent, il ne s’agit pas tellement de reproduire servilement les modalités familières du contexte légal mis en place dans l’univers du papier mais d’éviter les conditions appauvries qui promettent d’être celles de l’utilisateur de livre à l’ère numérique.
Je vais alors, sans la prétention d’être juriste, proposer une nouvelle version de la Déclaration qui voudrait préserver l’esprit de cet énoncé qui insiste, c’est le moins qu’on puisse dire, sur les droits de l’utilisateur :
La déclaration des droits de l’utilisateur de livre numérique
La déclaration des droits de l’utilisateur de livre numérique est un énoncé des libertés fondamentales qui devraient être reconnues pour tous les utilisateurs de livres numériques.
Tous les utilisateurs devraient avoir les droits suivants :
- le droit d’utiliser les livres numériques suivant les conditions qui en favorisent l’accès et avant celles qui sont associées à des contraintes propriétaires;
- le droit d’accéder aux livres numériques sur n’importe laquelle plate-forme technologique, indépendamment de l’appareil et du logiciel que l’utilisateur choisit;
- le droit d’annoter, de citer des passages, de partager le contenu des livres numériques dans l’esprit d’un usage équitable et du droit d’auteur;
- le droit de permettre au propriétaire du livre numérique de conserver, d’archiver, de partager et même de revendre un livre numérique acquis (dans l’esprit de la doctrine de la première vente) sans quoi il demeurerait soumis aux conditions de licence d’utilisateur final qui établissent essentiellement des obligations, et non des droits;
Je crois en la libre circulation des informations et des idées.
Je crois que les auteurs, les écrivains et les éditeurs peuvent prospérer lorsque leurs oeuvres sont immédiatement accessibles à travers l’éventail le plus large possible de médias. Je crois que les auteurs, les écrivains et les éditeurs peuvent s’épanouir et profiter avantageusement du fait d’accorder aux lecteurs le maximum de liberté pour accéder, annoter, et partager les contenus avec les autres lecteurs; ce faisant, ils aident ces contenus à trouver de nouveaux publics et de nouveaux marchés. Je crois que les fournisseurs de livres numériques devraient apprécier les droits associés à un modèle qui soit dans l’esprit de la doctrine de la première vente parce que les livres numériques constituent une pierre angulaire de la culture en contribuant au développement de la littéracie, de l’éducation et de l’accès à l’information.
Les DRM (Digital Rights Management), à la façon d’un tarif, agissent comme un mécanisme qui fait obstacle à la circulation libre et gratuite des idées, de la littérature et de l’information. De même, les accords actuels concernant les licences font obstacle à la libre circulation des idées, de la littérature et de l’information. Ainsi, les accords actuels concernant les licences signifient que les lecteurs ne possèdent jamais le contrôle final sur leur propre matériel de lecture. Ces dispositions ne constituent pas des conditions acceptables pour les livres numériques.
Je suis un lecteur. En tant que consommateur je suis en droit d’être traité avec respect, et non comme un criminel potentiel. En tant que consommateur, je suis en droit de prendre mes propres décisions concernant les livres numériques que j’achète ou j’emprunte.
Je suis préoccupé par le futur de l’accès à la littérature et à l’information dans le contexte des livres numériques. Je demande aux lecteurs, aux éditeurs, aux développeurs et aux fabricants de supports de lecture d’appuyer les droits de l’utilisateur de livre numérique.
Ces droits sont les vôtres. Prenez position. Faites circulez. Copiez ce billet en entier. Ajoutez vos commentaires, réutilisez-le, et distribuez-le autour de vous. Bloguez-le. Tweetez-le (#ebookrights ou avec le mot-clic #libredelire), partagez-le via Facebook, via le courriel, les téléphones.
*Cette déclaration peut être prononcée au féminin selon le contexte.
| L’image fait partie de mon album Schiphol Airport sous licence cc dans Flickr |
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