J’ai rédigé une recension dans le dernier numéro de la revue Argus. Puisque cette dernière ne sera accessible que lors de la parution du prochain numéro (suivant le modèle de l’embargo avec lequel nous devons composer pour le moment) et puisque les auteurs de cette revue conservent leurs droits et, enfin, puisqu’un lecteur impatient s’est manifesté, j’ai pris l’initiative la publier dans cet espace.
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Avant même la lecture de l’ouvrage, quatre éléments me semblaient compromettre l’intérêt de ce projet. D’abord le titre mettant en vedette le « Web 2.0 », alors que cette expression est en décalage par rapport à l’usage maintenant généralement adopté de « Web social », qui souligne ce que ces médias font plutôt qu’un repère ordinal. Ensuite la table des matières, dont la consultation révèle l’absence d’au moins deux des principaux protagonistes de ce courant en France, Silvère Mercier et Lionel Dujol, ce qui relativise d’entrée de jeu l’autorité de l’ouvrage, s’agissant de présenter l’état des lieux. Par ailleurs, il y a inévitablement une déception par rapport aux attentes qui viennent avec une production discutant d’environnement Web et qui se cantonne dans une présence papier : l’absence d’un prolongement numérique rend suspect le projet de l’éditeur et suggère que sa finalité est moins déterminée par un engagement réel et innovant au sein de la profession que par l’effet de mode. Enfin, après les contributions définitives, il y a trois ans (déjà!), de Meredith Farkas et de Nancy Courtney, on pouvait encore se demander si, outre l’utilité incontestable de prendre la parole en français, il était vraiment possible d’arriver avec une présentation inédite du Web social si tardivement. Si les trois réserves initiales mentionnées demeurent intactes, la dernière a été levée à la lecture de l’ensemble.
« Nécessairement collectif », mais pas nécessairement Web, cet ouvrage sur le Web collectif se divise en trois parties. La première propose un survol des technologies sociales canoniques, blogues, wikis, flux RSS, applications composites (mashups), et des usages qui leur sont associés. Le travail de tous les intervenants est soigné, remarquablement bien documenté des points de vue historique, théorique et pratique. Par contre, l’absence de Twitter dans le traitement des réseaux sociaux trahit la difficulté d’être à jour sur ces questions au moyen de l’imprimé. La seconde partie explore la manière dont les « aspects sociaux » de ces nouveaux dispositifs entraînent un renouvellement des fonctions bibliothéconomiques traditionnelles. La troisième partie, consacrée à « la bibliothèque 2.0 », expose des expériences à la fois particulières et exemplaires, menées à l’Université Laval par Pierre Chicoine et relatées par Véronique Delannay à propos de l’Université libre de Bruxelles. C’est ici que des initiatives issues de la bibliothèque publique, largement reconnues et susceptibles d’intéresser tous les milieux, présentées par les protagonistes susmentionnés, auraient pu permettre d’équilibrer et d’étendre la portée de cette exploration. En revanche, c’est aussi dans cette section que l’on peut apprécier la contribution éclairante de Hervé Le Crosnier sur la construction des biens communs, lequel identifie un déplacement significatif dans le rôle de médiateur numérique comme positionnement de la bibliothèque. La bibliothèque s’instituant naguère comme « éditeur » des fonds pour le public, il s’agit désormais pour elle de se positionner comme passeur des données versées par le public, pour la mise en valeur des collections, comme on peut l’observer à travers la mise en place des Flickr Commons.
Cela dit, on regrette aussi qu’une réflexion sur les conditions d’implantation de ces technologies sociales n’ait pas été développée, qu’elle fût associée à la nécessité d’intégrer le Web social à une stratégie Web générale ou à celle de prévoir une démarche de formation professionnelle, dans la mesure où la dimension amicale (user-friendly) de la gestion des contenus et des contenants y est trop souvent surfaite.
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