Webdesign et pratique collaborative : une approche sociale

J’adhère à une approche sociale des sciences de l’information, de manière transversale, que ce soit dans la théorie, la pratique et dans mon engagement. Et cette conception de la bibliothéconomie sociale a orienté, de façon déterminante, la gestion et la mise en oeuvre d’un projet de site Web pour la jeunesse auquel j’ai été associé. D’une façon générale, cette dimension sociale se manifeste par la mise en place de conditions favorisant l’intégration et la participation des usagers et des utilisateurs.

Plus particulièrement, dans le cas que je présente ici, cette fonction centrée sur l’usager visait à structurer la démarche du projet autant en amont qu’en aval et bien au-delà d’une préoccupation consistant à proposer des fonctionnalités sociales de partage via des boutons Facebook et Twitter. Les 4 axes de cette approche sociale se déclinent ainsi :

1. L’équipe de design intégré. Nous nous sommes reposés sur les résultats empiriques des travaux d’Andrew Large et de ses collègues de l’Université McGill. Ces recherches, qui nous ont servi de cadre conceptuel et méthodologique,  tendent à démontrer que la plupart des portails que les enfants croisent dans leur exploration sont des produits réalisés par des adultes en se basant sur les besoins technologiques d’adultes.

Comme les enfants ont des besoins technologiques particuliers, Large et ses collègues ont montré qu’en les impliquant, il est possible de déterminer des directives spécifiques en matière de design approprié avec des résultats plus concluants. La condition d’ « Ãªtre approprié » signifie autant pour un site qu’il soit attrayant et stimulant pour ses utilisateurs qu’un environnement apte à les supporter technologiquement en fonction de leurs caractéristiques cognitives et leurs usages.

Large a développé une méthodologie, le design intergénérationnel, qui montre comment intégrer les enfants dans le processus de design, dans le cadre d’une démarche structurée qui s’étend sur plusieurs semaines et qui est scénarisé de manière à atteindre certaines objectifs déterminés. Il est question d’intergénérationalité puisqu’il s’agit de réunir une équipe composée d’enfants et d’adultes co-engagés dans la tâche de conception de l’outil. C’est cette méthodologie que nous avons adaptée en fonction de notre contexte de site de bibliothèque afin qu’il soit, en un certain sens, créé par les enfants pour les enfants.

Nous avons aussi réalisé un focus-groupe avec les utilisateurs (bibliothécaires) destinés à être responsables de l’alimentation et de la génération des contenus.

2. Les fonctionnalités interactives et collaboratives pour les utilisateurs. Nous avons, à partir de la cueillette de données et des besoins exprimés, conçu un environnement susceptible d’offrir des expériences en phase avec le web social : sondage, jeu, quiz, module de clavardage ( favorisant l’apprentissage par les pairs), contenus créés par les jeunes. Dans ce cas, la possibilité de commenter et de recommander les livres et les ressources devient un dispositif de littéracie, un rendez-vous avec l’écriture, une occasion de développer l’esprit critique tout en s’engageant émotivement avec les contenus littéraires ou autres.

3. Le choix technologique. Il a été convenu, à partir d’une réflexion sur notre identité technologique et nos besoins, d’opter pour un base de données dans un CMS (content management system) avec des listes dynamiques de contenus diversifiés qui pourraient se mettre à jour à mesure que les bibliothécaires jeunesse en tant qu’utilisateurs-créateurs-de-contenu,  y contribueraient.  Ce choix représente une option en faveur de la bibliothèque sociale puisque la richesse de l’offre documentaire est assurée grâce à l’intelligence collaborative des bibliothécaires du réseau et à la mutualisation des contenus.  Cette orientation sociale est d’autant plus forte ici que le choix du logiciel libre Drupal s’inscrit dans une perspective de développement durable.

4. La médiation numérique. Le projet dans sa formulation initiale prévoyait la mise en place d’une structure de médiation hors-les-murs avec un bibliothécaire ambulant qui présenterait et exploiterait, dans les classes ou avec des groupes d’enfants, ce service web tout en favorisant une participation et une collaboration des acteurs. Cette voie a été aménagée et s’effectuera dans le cadre du programme Bibliothèque à la rescousse.

On peut aussi parler de « médiation numérique » dans cet effort particulier consistant à traiter chacun des sujets du répertoire thématique dans une page web spécifique à celui-ci au sein de laquelle sont rassemblées un ensemble de ressources informationnelles intégrées, sélectionnées par les bibliothécaires et commentées par les pairs. Par exemple, autour du sujet « insectes », on retrouve des livres et des DVDs, de site Webs, des vidéos, des mots-clés, des astuces pour poursuivre la recherche, une rubrique « Savais-tu» qui raconte un fait intriguant, et parfois des quiz.

Habituellement sur les sites de bibliothèques, si on cherche des ressources sur un sujet donné, il faut entreprendre une quête éclatée où l’on se déplacera tour à tour dans le catalogue, dans les collections de liens, dans les bases de données, etc. À l’inverse ici, l’usager n’a qu’à se précoccuper de la recherche de son sujet et il trouvera les ressources disposées en grappe autour de celui-ci. De cette manière, on évite au jeune usager un parcours fastidieux et parsemé d’obstacles puisque l’environnement n’est pas adapté et conçu pour le supporter technologiquement. Mais ceci n’est qu’un exemple des instances destinées à faciliter l’expérience de l’usager dans ce site et que nous avons tenté de mettre en place.

Pour plus d’informations sur la médiation numérique, on peut consulter les prestations de Lionel Dujol, Silvère Mercier et Hervé LeCrosnier.

Voici le document de présentation que nous avons réalisé, ma collègue Julie Fortin et moi,  pour le Congrès des Milieux documentaires, à l’automne 2010.

J’ai déjà, d’une façon plus générale, dans un autre billet, sur un autre blogue, élaboré au sujet des conditions de succès de cet espace jeunesse.

À la suite de cette expérience, l’hypothèse que je formule désormais est la suivante : cette approche intégrée ou systémique qui consiste à impliquer les usagers ou les futurs utilisateurs dans la démarche de gestion de projet, qui va de la conception, du design jusqu’à la mise en oeuvre et la médiation, ne pourrait-elle pas être étendue et appliquée à l’ensemble des initiatives de développement de collections, de programmes et de services en bibliothèques, aussi bien que dans la construction des établissements ? En d’autres termes, quels que soient  les projets, la décision de créer une équipe de design intégré pour réaliser un outil ou une technologie approprié, serait déterminante.

Dans le dernier cas évoqué, je soulignerai que l’approche intégrée dans le domaine de l’architecture est déjà reconnue et plusieurs des projets de construction de bibliothèques à venir seront réalisés à cette enseigne, ce qui pourra éventuellement contribuer à la vérification de cette hypothèse.

Je pourrais remercier plusieurs personnes qui ont collaboré à ce projet, outillé socialement sur un wiki de projet!, mais trois, en particulier, ont joué des rôles clé : Julie Fortin, Luc Jodoin, Sylvie Passerini et Véronique Dupuis.

| Sur la photo, un jeune webdesigner, membre de l’équipe, au travail |

2 réponses à « Webdesign et pratique collaborative : une approche sociale »

  1. […] This post was mentioned on Twitter by Silvae, marie d. martel and others. marie d. martel said: [billet] Webdesign et pratique collaborative: Créer des services et des technologies avec les gens et pour les gens http://bit.ly/grzQyW […]

  2. […] un billet récent, j’ai parlé d’un projet de site Web conçu en adoptant une démarche intégrant les […]

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