Tout le monde est sur le nouveau réseau social, Like a little, vous diront les étudiants. On y pratique une cruise coquine sucrée-salée avec humour; pas sérieux les messages, pas de retenue, mais pas interdit d’y voir un fond de vérité. Like a little s’est d’abord répandu dans l’Ivy League américaine et vient à peine de toucher Montréal, via l’Université McGill. Cette technologie sociale se définit comme une PFF, une plate-forme facilitatrice de flirt.
Le principe est simple, on se géolocalise, je dirais qu’on se géohyperlocalise puisqu’on se voit circuler, on s’épie dans un espace de proximité partagé, et on tend une perche en commentant : « At Cybertheque: Male, Black hair. My heart lit up when you walked into the room. Ooh lala, mm mm; can I get that Viet noodle in my bowl? 🙂 »
Ok…La métaphore créée pour l’occasion est peu subtile mais le jeu est ici resté au figuré, ce qui est loin d’être toujours le cas.
Et quel est le lieu permettant d’optimiser ces conversations sexy, quel est le théâtre idéal de ces rencontres impromptues, celui qui favorise naturellement une augmentation de la réalité de ces interactions? Les bibliothèques.
Les étudiants vous le diront encore: c’est là, en bibliothèque, que l’activité se passe pour la très grande majorité des échanges: on y est en meute et on y est avec la technologie nécessaire, les portables. Les autres lieux, les cafés, les centres de services de l’Uni sont périphériques. Depuis, on voit bien que les filles n’arrivent plus à la bibliothèque McLennan dans le vieux jogging de leur frère mais en talons hauts. Et les étudiants vous diront même que le hot spot, c’est le 5e étage du McLennan à cause des percées qui permettent de ne rien manquer des mouvements de population: on craint même que les gestionnaires n’y instaurent un cover charge comme dans les bars. Sinon à 9h, le matin, la première question après le café se formule ainsi, et je cite: « Are we ready for a another creeping day on Like a little? »
Le web social a infiltré le territoire physique de la bibliothèque et fait corps avec elle. La bibliothèque devient un endroit pour voir et être vu, un lieu de rencontre, de pulsations, une zone vibrante, ludique, animée par la densité et la continuité des transactions entre les mobilités physiques et numériques. Directs, crus, ce sont des usages presque extrêmes des réseaux sociaux dans un contexte hyperlocal qui sont intéressants à observer. On se souviendra que la naissance d’un autre réseau social, appelé Facebook, dans le giron estudiantin, a eu un impact sismique sur les bibliothèques de tous les milieux.
À propos de Like a little, on peut lire:
« We like to think of the site as a flirting-facilitator platform (or FFP, for advanced users). Basically, the site was made to allow you to compliment and chat about potential crushes you see around you. We are releasing it after 12 years… or was it 12 hours?… of hardcore development, in part to try and help me with my lack of game with women.
Guarantee: I guarantee you’ll find your future mate here within 28 hours of usage.. or you’ll get a 110% money back refund. Just email us at BillyMaysDating@gmail.com.
No no – on bullying, sexist, or negative messages please and encourage you to report them. Like a little, was created all in good fun… Let’s keep it fun, flirty, and complimentary. »
Les règles :
- When you make a comment, you are given a random fruit-name, for a given thread.
- This helps you maintain a conversation, while being anonymous.
- For a new thread, you get a new random fruit-name.
Alors quand on s’appelle Pamplemousse ou Citron, les étudiants vous diront aussi que la limite entre le flirty et les obscénités est une frontière mal définie, sinon dérangeante quand certains individus présentent des troubles de l’anonymat.
Et en bibliothèque publique, que l’on envisage aussi comme une instance facilitatrice, penserait-on à accueillir des dispositifs de rencontres similaires à la croisée du physique et du numérique, hummm? Sincèrement, nous n’y pourrons rien, les gens s’approprient ces usages, et il n’est pas du tout extravagant d’imaginer des conversations peut-être plus ou moins…soft, poétique? entre les solitudes et les rayons de la bibliothèque.
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