
Après Berlin, c’est la deuxième édition de Publishing Sphere à Montréal. Alliant réflexion, création, commentaire social, le projet convoque une diversité d’acteurs et d’actrices (éditrices/éditeurs, écrivain.e.s, artistes, designers, commoners, archivistes, etc.) explorant la sphère publique comme sphère de publication (et vice versa) à l’aide de « dispositifs, des appareils, des textes, des supports, des protocoles, des architectures et des actions, visant à renouveler l’idée même de la publication, jusqu’à en redéfinir le sens et la portée politique. »
Dans ce contexte, et par l’entremise d’une initiative de design d’une poétique publique, nous avons souhaité poser la question de la relation des institutions culturelles avec le domaine public, notamment comme projet territorial à l’échelle d’un quartier. L’intention était de mettre à l’épreuve les politiques publiques culturelles par le biais de concepts et de scénarios pour matérialiser et activer un réseau d’actants autour des communs du domaine public.
Cette initiative consiste, dans un premier temps, à mener une enquête sur la proximité territoriale et la communauté du domaine public en utilisant des techniques de développement communautaire (Working Together, Singh, 2007).
Actants non-humains, suivant la théorie de l’acteur-réseau (ANT pour Actor-Network Theory, Latour, Callon, etc.), les œuvres du domaine public ont été déplacé dans la catégorie des actants humains. Ce transport catégoriel et ce détournement de l’attention nous ont permis de retrouver le domaine public en prenant en considération les enjeux de la fragilité, l’absence de voix, la dévalorisation, la précarité, l’oubli, la menace de blocage ou d’enclosure qui affectent les oeuvres. Comme l’une des personnes que nous avons rencontrées dans le cadre de notre expédition apprenante l’a souligné : « le domaine public est souvent l’enfant négligé de nos institutions. » De ce point de vue, nous avons considéré les objets du domaine public, les documents, les discours, les productions comme des humains en situation de vulnérabilité et d’exclusion dans leur rapport aux institutions. Et nous avons cherché à mieux comprendre les communautés du domaine public desservies par ces institutions afin de créer des liens, de les faire participer à la prise de décision, de favoriser des collaborations entre elles (les communautés et les institutions) dans une perspective qui se veut capacitaire plutôt que déficitaire.

Le premier outil de la trousse Working Together concerne l’entrée dans la communauté. Nous avons utilisé cet outil qui suggère que le « seuil », la distance sociale peuvent être franchis lorsqu’ils sont « facilités par un tiers » incarné dans notre démarche par la Cinémathèque québécoise et Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et la bibliothèque Père-Ambroise. Nous avons consacré la journée d’hier à marcher dans la partie est de Ville-Marie en allant à la rencontre de quelques institutions qui nous sont plus familières afin de s’interroger avec elles au sujet de la situation, d’échanger à propos de leur public en tant que domaine public, d’explorer les possibilités d’avoir accès à ce public, et réciproquement. Nous avons exploré à travers une série d’entretiens des possibilités de créer un réseau collaboratif local et des moyens par le biais duquel elle pourrait nous mettre en contact avec d’autres acteurs et actrices du territoire.
Comme la démarche se veut ethnologisante, les observations et les entretiens recueillis au cours de cette immersion sont consignés et donneront lieu à des récits de rencontres qui seront partagés sur différentes plate-formes.
Nous avons sollicité un second outil qui a consisté à produire une cartographie communautaire (cartographie des atouts de la communauté / cartographie sociale) et visant à visualiser ce réseau et les acteurs des communs du domaine public. En parcourir le territoire autour de la Cinémathèque, de BAnQ et jusqu’à la bibliothèque Père-Ambroise, nous avons tenté d’identifier les places du domaine public, de les documenter, de découvrir ses tiers lieux, ses infrastructures sociales – si elles existent -, les formes paradoxales de son occupation.
L’une des questions que nous avons adressées à nos interlocutrices étaient la suivante : Que metteriez-vous dans un kit de survie du domaine public ? Parmi les artefacts constitués au cours de cette démarche au côté de la cartographie, nous avons recueillis des propositions en vue d’élaborer les contours d’un dispositif de « care » pour le domaine public en référant à sa précarité actuelle, aggravée par le prolongement du droit d’auteur décidé dans le cadre de l’Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Le troisième outil vise à « établir la relation ». À cette étape, qui devient le second temps du projet (jour 2), nous aurons désormais recours à des outils qui appartiennent au registre de la conception dans le but de « créer la relation » plutôt que de l’ « établir ». La démarche de développement communautaire sera alors prolongée par une initiative de design d’une poétique publique qui explorera différentes conjectures pour matérialiser et activer un réseau d’actants des communs du domaine public.
Aujourd’hui, nous allons passer à l’étape du prototypage de deux concepts : une trousse d’édition publique et un dispositif de valorisation des communs du cinéma.
Nous allons aussi intégrer nos apprentissages de la journée d’hier au sujet du kit de survie du domaine public à travers la production d’un zine. À suivre !
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