« Survivre à la gestion » telle est la problématique que le comité du Congrès des professionnel.les. de l’information 2017 met sur la table. Boum. On m’a offert la présidence de ce congrès dont la thématique se conjugue avec les plus grandes détresses et les plus grands enjeux professionnels et humains. J’ai accepté tout de suite : comment aurais-je pu refuser damn ?
C’est évidemment l’envers d’un congrès sur l’art d’optimiser les services et les processus au temps où il faut faire plus avec moins sans tellement se demander si le paradoxe de Zénon va arrêter de s’appliquer à un moment donné et combien de fois on va continuer à diviser le divisible des ressources y compris quand ce sont des personnes; ou sur l’art de pratiquer des rationalisations souriantes, des méthodes agiles et des efforts collectifs pour atteindre l’équilibre budgétaire sans que ça fasse mal à quiconque puisque tout le monde est coupé égal, avec une grande équité, une vraie justice dans l’approche, chacun doit faire sa juste part, que voulez-vous répondre à ça ? Ou sur l’art d’éviter les questions qui tuent et se convaincre tou.te.s et chacun.e que ça pourrait être pire, que de toute manière les choses se font quand même, même si votre patron.ne a autant de priorités que de mémoire, que sa véritable compétence se révèle quand il ou elle continue de commenter, avec une pirouette merveilleusement différente à tous les matins, ce que vous portez et même si vous l’avez menacé.e d’une plainte pour harcèlement; qu’il ou elle avance et recule, avance et recule, recule et avance, et que vous faites de même en vous étourdissant avec, et parce que, à moins d’un séisme ou d’un ouragan, nécessairement quelque chose finit par se faire, ne serait-ce que parce qu’il ou elle s’est trompé.e deux jours de suite dans la séquence avance et recule, ou parce que vous avez agi dans son dos, et que, à la fin, de toute manière on va tou.te.s faire comme si de rien n’était et intégrer le récit que c’est super et que c’est ça qui était prévu justement dans le mandat qui n’est pas écrit nulle part. Qui ne voudrait pas passer à autre chose et souhaiter que ça finisse bien ? Donc tout va très très bien, et surtout votre hiérarchie est contente, c’est votre bonus à vous.
Et supposons que « tout va très très bien » mais que ça pourrait tout de même avoir l’air d’aller croche pour un regard extérieur, candide, je ne sais pas moi, pour quelqu’un doté du gros bon sens, ou les journalistes, et bien, pas de souci, les Communications Suprêmes, qui contrôlent mais absolument touttouttoutvousnousvotrebosslorganisationladémocratie, de toute façon vont venir à la rescousse et vous caner une ligne de comm parfaite, mieux que vous l’auriez faites vous-mêmes, et vont la prononcer pour vous exactement de la façon et avec le ton qu’il faut la prononcer pour hypnotiser la bonne personne : tout va vrrrrrraiment eeeeeextra biennnnnn. On vous dira même, avec une musique pas même subtilement infantilisante, qu’on fait ça pour vous protéger. La même trame sonore que pour la mise en place des mesures d’évaluation de la performance (c’est bien de la vôtre dont il est question). Mais sinon, ce n’est peut-être pas si grave que ça si on parle à votre place, ce qui pourrait vous déranger davantage c’est que vous avez l’impression, ou la certitude, que l’on décide à votre place et sans vous consulter dans des domaines sur lesquels, en principe, vous êtes considérez comme un.e expert.e, et ça ça vous rend malade. Et bien, pas de problème, vous pouvez toujours tomber malade, vous avez la chance d’avoir un plan payé pour vous faire jouer dans la tête et revenir plus adapté.e. Adapté.e. Ce qui est tout de même avantageux à plusieurs égards car comprenez au moins, si vous pouvez encore comprendre quelque chose, qu’il n’y a personne d’irremplaçable. Au suivant.
Ce genre de gouffre managérial, on y perd sa vie à l’année longue à la sueur de son front, de ses mains, de ses tripes, et c’est parce que l’on est confronté depuis trop longtemps à ces stratégies éreintantes, de l’existence jusqu’à l’essence, que l’on est rendu à intituler un congrès : « Survivre à la gestion? »
Avec Jean-Michel Lapointe, qui est le vice-président, et le comité, nous avons tenté de concevoir une plate-forme publique où l’on puisse exprimer l’insoutenable, nommer l’inacceptable, interroger les discours des organisations, des politiques qui nous épuisent; concevoir un forum où l’on puisse aussi explorer le degré zéro de la profession, les alternatives, parfois radicales, pour résister, pour dire non! pour passer à travers sans s’y perdre; explorer aussi les raisons les plus fondamentales pour continuer à exister dans le métier avec et pour les gens avec lesquels nous travaillons, collaborons, apprenons, vivons.
Non, ce ne sera pas un congrès pour les jovialistes à lunettes roses et les yaouh! de l’innovation, mais ce ne sera pas triste, loin de là : approches humanisantes de la gestion, modèles et gestion du changement et de la transformation, exploration des relations nouvelles avec le personnel et les gens, conception des services à partir des usages, gouvernance réinventée à travers les communs, nouveaux espaces qui supportent le développement de capacités et les défis qu’ils représentent pour les organisations et la culture professionnelle, agents de changement face au paradigme managérial de l’austérité, etc. … Oui, il y a encore de l’espoir!
Vous êtes toutes et tous cordialement invité.e.s à venir vous regénérer, à participer aux questionnements et à chercher les possibles d’une vie après qui soit plus près de la vie elle-même. Pour s’inscrire, c’est par ici.
Nous vous attendons en grand nombre !
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