La neutralité du réseau, une affaire de politique locale ?

J’ai reçu via l’infolettre de l’American Libraries Association cette invitation à souligner la « Day of Action to Save Net Neutrality« , et je me suis demandé si cette initiative entourant la journée du 12 juillet ne concernait que les États-Unis. Supposant que ce soit le cas, on peut toujours manifester, par pure solidarité, notre soutien à l’engagement des bibliothécaires américains pour qui la cause se fait de plus en plus urgente dans le contexte politique actuelle. Mais, ce souci à l’égard de nos collègues ne devrait-on pas l’étendre à nous-mêmes et partager leurs préoccupations comme si c’était un enjeu commun?

Selon l’ALA, la remise en question des règles en faveur de la neutralité du réseau est une source d’inquiétude considérable :

la Commission fédérale des communications (FCC) a ouvert une procédure publique visant à renverser les protections de neutralité du réseau instituées en 2015 et ensuite confirmées par des décisions judiciaires. La neutralité du réseau est le principe selon lequel les fournisseurs de services Internet (FAI) doivent permettre l’accès à tous les contenus et toutes les applications indépendamment de la source et sans favoriser ou bloquer des services ou des sites Web spécifiques. Des règles de neutralité de réseau solides et exécutoires sont essentielles au fonctionnement des bibliothèques modernes parce que nous comptons sur Internet pour collecter, créer et diffuser des informations essentielles au public. En outre, l’Internet ouvert est également une plate-forme vitale pour la liberté d’expression et l’expression intellectuelle – une valeur fondamentale. (Ma traduction avec Google Traduction)

Mais revenons à la situation canadienne. Est-ce qu’une telle journée de bataille pour le Net pourrait aussi faire sens ici, et serait-elle susceptible de justifier un appui plus motivé ?

Il semble qu’au Canada, en ce moment, les conditions pour la neutralité du réseau soient favorables.

Le Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a récemment affirmé son appui en faveur de la neutralité du Net à l’aide d’un cadre « pour consolider son engagement. » Ce qui a fait réagir certains de nos voisins du Sud dans l’entourage de l’administration Trump (“Sorry Canada, now you’re in the class with backward India”, cité par Huffington Post) en suggérant que cette position était destinée à compromettre l’innovation, une affirmation que contredit le CRTC, et plusieurs autres observateurs :

Un Internet libre et ouvert donne à tous une chance équitable d’innover tout en offrant aux consommateurs un large éventail de contenu à découvrir. Un Internet libre et ouvert permet aussi aux citoyens de s’informer et de participer à des dossiers d’intérêt public sans ingérence indue ou inappropriée de la part de ceux qui exploitent ces réseaux. Plutôt que d’offrir à leurs abonnés des contenus précis à des tarifs variables pour l’utilisation des données, les fournisseurs de services Internet devraient plutôt offrir davantage de données à des tarifs réduits. Ainsi, les abonnés pourraient choisir par eux-mêmes le contenu qu’ils souhaitent consommer.  – Jean-Pierre Blais, président et premier dirigeant, CRTC

Michael Geist, l’ un des gardiens de ces questions au Canada, est aussi d’humeur optimiste. Alors que naguère les politiques canadiennes étaient notoirement vaseuses, le pays est en train d’assumer un leadership que l’on n’espérait plus (« Canada has emerged as a world leader in supporting Net neutrality »). Le Canada revendique désormais une approche, tout en contraste avec celle des États-Unis, qui veut privilégier les consommateurs et les créateurs dans les décisions entourant l’utilisation d’internet.

Pourtant, sachant que l’histoire de la neutralité du réseau se balance, depuis la naissance du concept, entre la pluie et le beau temps. La vigilance institutionnelle aussi bien que citoyenne s’imposent pour repérer les violations ainsi que les dérives politiques. Cette attitude suppose également que l’on continue à faire pression pour un projet d’inclusion numérique et de protection de la vie privée, qui aille au-delà des espoirs qui seraient essentiellement liées à « des répercussions positives sur les prix de détail et les limites d’utilisation des données pour les téléphones cellulaires et services Internet fixes. » (CRTC) Parce que, comme le dit FACIL, « Un Internet pas cher c’est bien, un Internet qui respecte nos libertés et nos droits, c’est mieux ! »

Si l’on revient maintenant à la question posée dans le titre de cet article : Est-ce que la neutralité du réseau est une affaire locale ?, les observateurs ne semblent pas tous du même avis lorsqu’il s’agit de déterminer si les actions américaines en matière de neutralité du réseau auront un impact direct sur la vie numérique des Canadien.ne.s. En revanche, il y a un certain consensus pour dire que les politiques des uns influencent forcément celles des autres. Dans quel sens, l’influence politique se fera-t-elle sentir ici?…

Ce n’est peut-être pas seulement en vertu d’un souci de bienveillance solidaire à l’égard de l’American Libraries Association qu’il faudrait manifester notre appui en faveur de la neutralité du réseau. C’est même sans doute une affaire de prudence minimale dans les circonstances, en dépit de l’optimisme canadien et européen ambiant qui règne.

Qu’en dit Wikipédia ?

On se souviendra que Wikipédia constitue, d’une façon générale, la première source d’information et de documentation. Or, il existe un article sur le sujet de la Net neutrality du net in Canada avec des références passablement datées et qui ne fait pas état des décisions récentes du CRTC. Un bon exemple d’article à améliorer. Du côté de Wikipédia français, on n’a pas ce problème puisqu’il n’existe tout simplement pas… Au boulot! MAJ.: L’article est créé, et des références ont été ajoutées dans la version anglaise. À bonifier!

Pour aller plus loin :