Des suggestions explosives par la réalisatrice de Gentilly or not to be

Le documentaire réalisé par Guylaine Maroist et Éric Ruel qui dénonce le projet de relancer la centrale Gentilly sera diffusé lundi à 21 h à Télé-Québec. La critique de l’industrie nucléaire est un sujet complexe, la co-réalisatrice propose 4 recommandations de lecture pour accompagner le film et la réflexion.

Gentilly or not to be met la table pour activer le débat public au Québec sur les questions entourant l’industrie nucléaire. Le débat, en ce moment, tend à mettre l’emphase sur le principe de causalité auquel le documentaire souscrit. Personne, de fait, ne semble remettre en question qu’un niveau élevé de radioactivité cause le cancer (demandez à Marie Curie). Or, le niveau de radiations à Gentilly est plus élevé que ce que les normes européennes ou californiennes tolèrent. Par conséquent, il serait raisonnable de croire que certains cancers sont provoqués par la radioactivité associée à la présence de la centrale nucléaire Gentilly. Mais, quels cancers et combien?, c’est là que l’épidémiologie ne peut pas fournir de réponse, faute d’échantillons significatifs, et en l’absence de cette démonstration, le doute est alimenté et utilisé par les partisans de la réfection. En d’autres termes, si l’argument causal s’avérerait le plus fort, fusse-t-il établi, c’est aussi celui qui semble le plus contesté car il se prête au scepticisme.

En revanche, ce n’est pas le seul argument. On peut aussi invoquer le principe de précaution, comme l’invoque le ministre allemand qui explique les raisons pour lesquelles l’Allemagne a pris la décision de se retirer de la filière nucléaire en soutenant que, en dépit du fait que l’on ne puisse prouver hors de tout doute, que les centrales sont la cause des cancers, «il était de notre devoir d’adopter une approche préventive en matière de santé.» Le médecin et urgentologue, Éric Notebaert, adopte également ce point de vue dans le documentaire.

La discussion après la projection du film lors de la première montréalaise, mardi le 11 septembre, au cinéma Beaubien.

Enfin, le débat actuel fait aussi valoir certains arguments fondés sur le principe de suffisance. Même s’ils ne sont pas les plus attrayants, ces arguments sont parfaitement légitimes. Par exemple, certains diront que, preuve ou pas preuve, il suffit que l’on reconnaisse que l’évaluation des coûts de réfection de la centrale, qui sont estimés à 3 milliards, comporte de nombreux risques et qu’ils pourraient s’avérer considérablement plus élevés, car tant que l’on n’a pas pénétré dans le coeur du réacteur, on ne peut pas déterminer la portée des travaux requis. Ainsi, l’exemple récent de la centrale de Point Lepreau a connu des dépassements de l’ordre de 50%.

D’autres soutiennent qu’il suffit de considérer la question des déchets nucléaires pour choisir de renoncer à cette option. La centrale de Gentilly serait relancée pour 25 ans avec des déchets nucléaires qui sont destinés à s’accumuler, à être dispersés ou enfouis et à nous côtoyer pour des milliers et des milliers d’années. Bonjour l’héritage des générations futures, comme le suggère l’ingénieur et physicien Michel Duguay, toujours dans le documentaire en invoquant le principe de l’équité intergénérationnelle. La fin du documentaire est saisissante à cet égard : on y voit un ferrailleur de la région de Trois-Rivières qui est en train de se demander, perplexe, ce qu’il va faire avec des débris radioactifs qu’on lui a refilé – en lui disant, à leur réception, qu’ils n’étaient pas radioactifs – et provenant de la centrale. Rien pour rassurer qui que ce soit au sujet de la gestion des déchets nucléaires présents et futurs.

Et, compte-tenu de la situation du Québec, on se demande vraiment comment la question de procéder à la réfection de Gentilly en soit venue à prendre la forme d’une sorte de dilemme puisqu’il existe des alternatives énergétiques sécuritaires et durables. Même des pays qui ont pris le risque de la filière nucléaire pour assurer leur indépendance énergétique, s’en sortent: le Japon a annoncé, hier, qu’il renonçait à l’énergie nucléaire.

Pour participer au débat public, il faut voir Gentilly or not to be et s’informer. Voici 4 recommandations de lecture qui nous sont fournies par Guylaine Maroist.

1. Sans danger immédiat? L’avenir de l’humanité sur une planète radioactive / Rosalie Bertell (en bibliothèque)

Rosalie Bertell, médecin, a consacré une grande partie de sa vie à la défense de la santé environnementale et à la critique de l’industrie nucléaire. Elle a remporté le prix nobel alternatif en 1986 pour : « pour son travail de sensibilisation auprès de l’opinion publique au sujet de la destruction de la biosphère et du patrimoine génétique humain, en particulier par des radiations de faible niveau. » Elle est morte le 14 juin 2012.

2. Chernobyl Legacy / Paul Fusco

Le photographe Paul Fusco de l’agence Magnum est retourné à plusieurs reprises entre 1997 et 2000 pour documenter l’impact horrible de l’explosion du réacteur no. 4 de la centrale de Tchernobyl sur les enfants habitant dans la zone de radiation. Âmes sensibles s’abstenir.

3. Regroupement pour la surveillance du nucléaire / Gordon Edwards (Ph.D.)

Un siteweb indépendant sous les auspices de Gordon Edwards (Ph.D.) qui diffuse l’information du Regroupement pour la surveillance du nucléaire : « un organisme sans but lucratif, incorporé auprès du gouvernement fédéral en 1978…voué à l’éducation et à la recherche concernant toutes les questions qui touchent à l’énergie nucléaire, civiles ou militaires — y compris les solutions alternatives au nucléaire — et tout particulièrement celles touchant au Québec et au Canada.»

4. Maître chez nous – 21e siècle (MCN21) / sous la dir. de Daniel R. Breton (en bibliothèque)

Il s’agit du livre qui soutient le projet MCN21 visant «à permettre au Québec et à sa population de prendre et conserver le contrôle de son avenir en devenant progressivement indépendant des énergies fossiles.» On y aborde les enjeux liés à la réfection du réacteur nucléaire Gentilly-2 et aux risques de l’énergie nucléaire sur la santé.

Le documentaire, diffusé lundi à Télé-Québec, sera accessible sur le site de ce télédiffuseur pour les 5 prochaines années.

Pour aller plus loin :

| Copyright J.-François Leblanc pour la photo |

4 réponses à « Des suggestions explosives par la réalisatrice de Gentilly or not to be »

  1. Les déchets à haute radioactivité sont composés surtout de combustible irradié provenant des centrales nucléaires et comptent pour 10 % de tous les déchets nucléaires. Une partie de ce 10 % (les actinides mineurs, formés principalement de plutonium 239, de neptunium 237, d’américium 241 et 243, et de curium 244 et 245) peut être recyclée et enrichie afin de servir à nouveau de combustible. C’est ce qu’on appelle le « traitement du combustible irradié ». Les produits de fission ne peuvent être réutilisés et constituent les déchets ultimes qui devront être confinés ou enfouis pour des centaines de milliers d’années.

  2. […] Sans danger immédiat? par Rosalie Bertell (Éditions de la pleine lune). Guylaine Maroist, co-réalisatrice de Gentilly or Not to be, m’a suggéré cette lecture deux fois plutôt qu’une. Avec ses 600 pages, je vais […]

  3. […] Sans danger immédiat? par Rosalie Bertell (Éditions de la pleine lune). Guylaine Maroist, co-réalisatrice de Gentilly or Not to be, m’a suggéré cette lecture deux fois plutôt qu’une. Avec ses 600 pages, je vais […]

  4. Finalement, la société de gestion des déchets nucléaires consulte les Québécois cette semaine pour trouver une communauté qui souhaiterait accueillir les déchets radioactifs de tout le Canada, au moment même où le président des États-Unis, Barack Obama, vient d’annuler le projet d’entreposage des déchets américains dans les montagnes Yucca, projet jugé trop risqué. Peu de gens savent que l’industrie nucléaire promet depuis 50 ans de trouver une solution d’entreposage permanente de ces déchets dangereux. En attendant un lieu d’entreposage jugé sécuritaire, ceux-ci sont empilés près des centrales. Qui oserait accumuler des millions de grappes de déchets radioactifs et prétendre qu’il s’agit d’une source d’énergie propre? Étrangement, les coûts d’entreposage de ces déchets ne sont jamais comptabilisés dans le coût des centrales nucléaires. On parle maintenant de 20 milliards pour le Canada. ………………………………………………Le Québec doit faire un choix: prendre part à cette prétendue renaissance du nucléaire ou refuser d’en faire les frais. Ce choix doit être fait maintenant. Les Québécois n’ont aucune raison de se lancer dans l’aventure nucléaire pour une autre génération.

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