Glossaire intuitif pour la bibliothèque des enfants à Clamart

Je voulais voir, vivre, la magie de la bibliothèque des enfants à Clamart, celle qui est ronde. Celle de la célèbre photo de Martine Franck parue dans Life en 1965 avec la contre-plongée sur les petits visages dans l’escalier en spirale. Classée édifice patrimonial ou monument historique en 2009, elle est réputée pour un double événement, au plan de l’architecture et de la lecture jeunesse. Si on part à la recherche de ce lieu mythique, on peut encore le trouver et le parcourir comme une œuvre dont l’expérience et la narration sont neuves.

Au sein des murs, il y a aussi ceux qui sont un peu, à peine, plus grands que leurs clients. Ils étaient trois, comme les trois ours de Boucle d’or, qui m’ont accueilli et qui m’ont dit les choses de la vie de la bibliothèque. La vérité sort de la bouche des (bibliothécaires pour) enfants. J’ai tiré de cette visite et de quelques lectures, un glossaire en six mots avec une sémantique intuitive.

1.  Paysage. Moins de collections et plus de valorisations.  On achète assez peu de livres mais on les lit, relit beaucoup et on fait toute sorte de sélections bien visibles, bien étalées, et pas seulement avec les nouveautés. Avec ce qu’on a. Les nouveautés sont une construction du marché qui ne fait pas sens pour les enfants.  Mais l’effet de surprise a un sens. Et les espaces qui bougent et se renouvellent aussi.

2. Miel.  On dit que ce qui compte, c’est ce qui est conté, le récit, et sa qualité. Peu importe ce qui le supporte, livre ou jeu ou film, pour autant que le contenu soit porteur. Bref, c’est parce que l’on est agnostique par rapport au dispositif, que l’on a tout naturellement introduit des iPads et des consoles qui sont, comme le livre, des technologies à raconter. On revendique un indicateur de performance particulier : pourquoi calculer les prêts, que signifient-t-ils? Ici, il faudrait utiliser le boulier pour dénombrer toutes ces histoires que l’on raconte encore et encore et qui font du bien, du rire, qui fabriquent des possibles. Statistiques du coeur. Toise de la joie.

3. Main à la pâte.  La bibliothèque est une œuvre qui vit de la participation des enfants. Ils font grossir la boîte à idées. Ils assument les opérations de prêts et de retour au comptoir de services. Les bibliothécaires sont bien trop occupés à jouer et à lire pour s’occuper des transactions.  Et, on prend un engagement qui favorise l’appropriation et qui dépasse la consommation de services. Apparemment, on peut repérer sur Google images, la carte d’«aide-bibliothécaire» qu’une ancienne lectrice a numérisée, avec la nostalgie de cette responsabilité, de cette sorte de lien de confiance qui contribue à faire grandir, soi-même et l’autre. C’est une prise en main à la pâte. On apprend le vivre-ensemble à travers le faire-et-grandir-ensemble.

 À Clamart, les enfants découvrent les différentes facettes d’une vie en commun, avec l’exercice d’une vraie liberté. Ils ont la possibilité de prendre des initiatives et de vraies responsabilités. Ce souci de faire participer les lecteurs à la vie de la bibliothèque est un des héritages majeurs reçus de la première Heure Joyeuse. Celle-ci avait été fortement intéressée par la pensée de quelques grands pédagogues comme Célestin Freinet et Roger Cousinet. Cette touche proprement française, nous l’avons adoptée avec conviction. La dimension sociale de la bibliothèque a aujourd’hui plus d’importance que jamais. Nous avons toujours eu à cœur de favoriser chez le lecteur le sentiment réconfortant d’appartenance : on ne vient pas simplement pour prendre, recevoir, mais pour participer, échanger. Cette invitation  à la réciprocité aide à l’estime de soi-même. C’est bien ce qu’il faut pour oser la lecture et la découverte de mondes autres. (Geneviève Patte, membre fondatrice de la  La Joie par les livres et la bibliothèque des enfants de Clamart)

4. Relier. Si la création de liens, tissant l’identité du lecteur et celle de la communauté, définit l’essence de ce projet, l’architecture adopte le même manifeste. La position de L’Atelier de Montrouge a revendiqué elle aussi un dialogue entre l’urbain, le voisin, le construit, entre l’objet culturel et la nature, entre le social lourd et une esthétique de la légèreté et de la lumière, de la circulation libre, entre le contexte historique, géographique, ce qu’on a appelé le « déjà-là » et le matériel par le bais de différents registres de perception et de propositions (Catherine Blain dans Espace à lire – La bibliothèque des enfants à Clamart).

5. Maison. L’ambiance est à l’intime,  dans une sorte de trois-pièces sécurisant et confortable qui emprunte au cadre familial. Rien de d’institutionnel. Cette maison est celle qui attend et qui accueille, qui ouvre les bras, qui est la quasi-nôtre, fondue entre le privé et le public. Tiers lieu. Ce cocon de miel, marqué par ses connexions avec l’extérieur,  sa fenestration végétale, ses empreintes naturelles, ses motifs en noeuds de bois,  sa trame organique, est une cabane dans les arbres. Une chambre pour l’imaginaire. Home made quand on bricole des attaches de sécurité pour les consoles de jeu. Quand on tend un grand drap blanc avec des punaises entre les étagères pour projeter des films (et là on pense aux auditoriums sophistiqués qu’on exige aujourd’hui…).

6. Joie durable. L’Association de la Joie par les livres a programmé la petite bibliothèque ronde de Clamart en 1965 et,  dans cet élan mobilisateur, elle a contribué à la naissance de l’enfant lecteur comme sujet à celle de la bibliothèque jeunesse comme horizon théorique et pratique. Maintenant ces services, à travers le Centre national de la littérature pour la jeunesse et la Revue des livres pour enfants sont déménagés à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, séparés des communautés et de la cité HLM de banlieue qui constituaient son terrain d’expérience, son test de la réalité. On se demande, au-delà de sa restauration physique, qui est prévu dans d’ici peu,  quel avenir sera celui de la bibliothèque des enfants ?

Pour aller plus loin :

La monographie Espace à lire – La bibliothèque des enfants à Clamart. (2006) Gérard Thurnauer, Geneviève Patte & Catherine Blain. Gallimard.

Le site de La Petite Bibliothèque Ronde.

Le site de La Joie par les livres.

Un album de photos sur Flickr.

8 réponses à « Glossaire intuitif pour la bibliothèque des enfants à Clamart »

  1. Bonjour, pour ma part, je ne l’ai pas trouvé la « carte d’aide-bibliothécaire » sur google images… !:)) Où donc qu’elle se trouve ???
    Très cordialement, et surtout MERCI pour le travail de fonds que vous faites et votre investissement. AP

  2. Malheureusement vous mélangez l’excellent travail de la Joie par les livres et le travail de l’association Petite bibliothèque ronde fondée suite à une polémique liée à la fermeture du bâtiment et dont l’utilisation des moyens alloués par le ministère de la culture rend plus service à l’image du lieu qu’à sa finalité même.

  3. Malheureusement votre commentaire est anonyme. Je sais pour ces transactions et il y a sans doute du vrai. Mais quoiqu’il en soit; la philosophie de la bibliothèque imprègne encore le lieu et l’approche, avec les moyens qu’il leur reste. Et de cela; depuis notre perspective, il y a encore une chose ou deux (ou 5) à retenir.

    Pour Anne Paulet, merci, je vais voir avec Caroline Simon de qui je détiens l’information.

  4. Anne Paulet, vous trouverez la carte d’aide-bibliothécaire de Martine Sonnet (écrivain), et sa carte de prêt, sur cette page : http://www.martinesonnet.fr/Site/20_bib.html

    Cher anonyme, je vous invite très cordialement à venir nous rendre visite, et à constater par vous même notre travail sur le terrain avec les enfants ainsi que l’utilisation des crédits alloués par le Ministère.
    Vous pouvez aussi me contacter directement et pour que je vous envoie notre rapport d’activités.

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