Comment être un bestseller?

Plusieurs ont déjà parlé des bibliothèques vivantes. Ce sont des interventions exemplaires si l’on veut marquer la relation entre la bibliothèque, le développement durable et la cohésion sociale. Je voudrais en rappeler les fondamentaux et, surtout, faire connaître un projet dont je suis l’évolution avec intérêt.

D’abord, comme on peut le lire sur le site officiel (en anglais), qu’est-ce qu’une bibliothèque vivante?

The Human Library is an innovative method designed to promote dialogue, reduce prejudices and encourage understanding.The main characteristics of the project are to be found in its simplicity and positive approach. In its initial form the Human Library is a mobile library set up as a space for dialogue and interaction. Visitors to a Human Library are given the opportunity to speak informally with “people on loan”; this latter group being extremely varied in age, sex and cultural background.

The Human Library enables groups to break stereotypes by challenging the most common prejudices in a positive and humorous manner. It is a concrete, easily transferable and affordable way of promoting tolerance and understanding. It is a “keep it simple”, “no-nonsense” contribution to social cohesion in multicultural societies.

J’ajoute la question suivante qui me fascine en raison du déplacement (métaphorique) de l’étiquette bestseller qui est attribuée aux documents humains: comment être un bestseller?

It’s often that organizers are met with the question: « Who was the most popular book in the Human Library? » And it’s not just a question coming from journalists, but also readers and books are curious to know, what the most sought after title was.  The bestsellers are defined by librarians, as the books that have the most requests for loans from readers. Here a group of readers only counts as one loan. Over the years there have been many different bestsellers in different countries.

Prejudices are similar and different from country to country. In many ways there are clear comparisons to be made, in the way some groups are perceived by the majority. But there are also big differences, and they all have an impact on the bestseller outcome. To give an example, in Denmark at the first Human Library (Roskilde Festival 2000), one of the bestsellers was the young arabic muslim. While in Hungary in 2002, it was the ex-right wing extremist. In Portugal it was the refugee and in England the homeless and the ex-gang member. It all depends on the given situation and the atmosphere in the local community.

Dans un récent numéro de la revue Argus, Paula Mazzeo, Madavine Tom et Karen Rodrigue-Gervais, qui ont réalisé le premier projet de bibliothèque vivante au Québec, raconte leur démarche, fondée sur le développement d’une collection de  livres autochtones, lors d’une entrevue avec mon collègue Vincent Audette-Chapdelaine:

Pendant l’été 2010, nous avons participé au programme Éco-stage (de l’organisme Katimavik) qui nous a offert, entre autres, la possibilité de mettre sur pied un projet collectif répondant à une problématique spécifique en lien avec l’écocitoyenneté ou le développement durable. Notre équipe comptait cinq membres qui avaient en commun l’envie de réaliser un projet lié aux Autochtones du Québec.

Nos recherches sur le sujet nous ont montré l’ampleur des enjeux importants et complexes qui affectent les communautés autochtones du Québec. Nous avons alors constaté qu’il existe une méconnaissance marquée des Premières Nations au sein de la communauté québécoise et que cette ignorance nuisait à la compréhension des revendications autochtones.

C’est pourquoi organiser une bibliothèque vivante, inspirée du concept élaboré par le groupe Stop the Violence au Danemark en 2000, nous a semblé essentiel afin d’établir un climat favorable à l’entraide, au dialogue et à la compréhension entre Autochtones et non-Autochtones. Ainsi, à l’occasion de notre bibliothèque vivante, le public était invité à « emprunter » une personne, que l’on appelait « livre », pour discuter d’un thème établi en lien avec les réalités autochtones. En permettant ce type d’échange, nous espérions voir un plus grand appui de la population québécoise envers les stratégies élaborées et menées par les Autochtones, visant à améliorer leurs conditions de vie. Après cinq mois de recherches, de rencontres, de réunions et beaucoup de travail, notre bibliothèque vivante sur les communautés autochtones du Québec a vu le jour le 24 octobre 2010 à la Grande Bibliothèque, à Montréal. Les objectifs de cet événement étaient de démanteler les préjugés envers les Autochtones du Québec, de créer un rapprochement et une ouverture entre Autochtones et non-Autochtones, et de favoriser une meilleure compréhension des enjeux autochtones.

Quel rôle les bibliothèques publiques sont-elles appelées à jouer pour les bibliothèques vivantes, selon cette équipe ?

Les bibliothèques publiques ont pour rôle d’offrir un accès à différentes sources d’information à un public qui n’est pas restreint par l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, la religion, etc. Les sources d’information sont des outils importants pour le maintien de la liberté intellectuelle, des valeurs démocratiques, des droits civils, etc.

Puisque les lecteurs cherchent à se nourrir de nouvelles connaissances, les bibliothèques publiques sont l’endroit idéal pour accueillir les livres humains parce que, dans un contexte de bibliothèque vivante, les « lecteurs » sont appelés à interagir avec des gens qu’ils n’auraient pas pu côtoyer autrement. C’est pourquoi créer des événements ponctuels, comme une bibliothèque vivante, permettant des échanges interactifs est important pour que les communautés dans lesquelles nous vivons ne se développent pas dans la peur ou la crainte de l’Autre, mais plutôt dans l’acceptation et la tolérance.

Il est important de mentionner que la transmission du savoir et des traditions se fait parfois difficilement par écrit, un autre point qui pourrait favoriser l’institution des bibliothèques vivantes au sein de bibliothèques publiques.

J’ai rencontré  Paula deux fois et elle nous écrivait récemment à Vincent et  à moi pour nous confirmer la tenue d’une nouvelle édition de la bibliothèque vivante au cours du Festival Présence autochtone, l’été prochain (le programme 2011 n’est pas encore annoncé sur le site). C’est une excellente nouvelle!

On regrette seulement que ces initiatives se soient déroulées, et se dérouleront encore semble-t-il, indépendamment, dans l’ignorance ou l’indifférence, des bibliothèques publiques québécoises qui devraient pourtant être, c’est le cas ailleurs depuis 10 ans, et à Toronto récemment, les promoteurs et/ou les partenaires de telles rencontres.

Le premier événement s’est tenu à la Grande bibliothèque qui a simplement loué la salle pour le déroulement de cette activité, sans que l’on ne réalise alors que, sous leur propre toit, allait avoir lieu une expérience exceptionnelle et extrêmement originale, la forme la plus pure de la médiation dans le champs de la bibliothèque. Je ne sais pas si on a réalisé depuis ce qui s’est passé cette journée-là mais, qu’à cela tienne, il y a ici, pour les bibliothèques publiques, une occasion bien réelle d’ajouter de la vie, des bestsellers!, dans leurs collections, du vivre-ensemble dans les collectivités territoriales, du dialogue dans notre monde.

Plus d’informations  ici ainsi que la page Facebook de la Bibliothèque vivante. Le seconde édition de la bibliothèque vivante se tiendra le 5 août, de 15 à 19h à L’Autre Marché Angus.

| Source de l’image : la revue Argus via ©Paula Mazzeo  |

6 réponses à « Comment être un bestseller? »

  1. J’avais fait un billet sur ce projet il y a déjà un bout de temps. Tout comme toi j’avais été très séduit par sa philosophie. Mais cela n’avait pas fait l’unanimité à l’époque auprès de mes collègues français. Il suffit pour cela de lire les commentaires qui suivent le billet en question : http://labibapprivoisee.wordpress.com/2008/09/11/une-mediatheque-avec-des-livres-vivants/

  2. Quelle idée intéressante !!!

    Et j’imagine aussi qu’elle pourrait être implantée dans les bibliothèques scolaires …

    Merci pour l’info !

    Amitiés

  3. Avatar de Marie D. Martel
    Marie D. Martel

    Merci à Richard et Lionel.
    @Lionel, il faudrait organiser une BV avec des organisateurs de BV et des bibliothécaires français je crois.

  4. Je le crois aussi Marie !

  5. […] sont rarement des initiatives de bibliothèques publiques, ce que regrette Marie D. Martel dans Comment être un bestseller? de 2011. En effet, elle estime que les « bibliothèques publiques québécoises […] devraient […]

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