On revenait avant-hier d’une autre journée de corvée chez mes parents inondés qui habitent à St-Jean-sous-le-Richelieu. Et comme cette ville est sur le chemin des patriotes, l’idée m’est venu de demander, tout bonnement, aux enfants: « Savez-vous pourquoi vous êtes en congé lundi? » Ils m’ont répondu sans hésiter et à l’unisson : « Parce que c’est la fête de la reine!« . Alors, mon conjoint et moi, on leur a donné 10/10 pour cette réponse de petits colonisés.
Comme on court toute la semaine, le weekend, c’est normal, on marche. Hier, nous avons décidé d’aller marcher du côté du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, que l’on fréquente souvent pour ses oiseaux et pour sa beauté. Ce cimetière, situé sur le Mont-Royal, et l’un des plus grands d’Amérique du Nord, est un rendez-vous de prédilection pour de nombreux ornithologues réputés.
Cette fois, nous avons proposé une sorte de rallye : le premier qui trouve la tombe de Louis-Hippolyte Lafontaine et le monument des patriotes. J’ai chargé sur le Sony reader le document pdf des personnes célèbres inhumées que propose le cimetière et qui fournit des indices pour le repérage. Le temps d’atteindre nos objectifs, nous avons jasé des choses de la vie et de la mort des patriotes, de leur rébellion et de leur survie dans notre imaginaire.
C’est le côté qui donne sur l’est du monument, peut-être en raison des films qui ont favorisé la création d’un mythe autour du personnage de François-Marie-Thomas chevalier de Lorimier, qui est le plus troublant.
Exécutés à Montréal par arrêts de la Cour Martiale le 21 décembre 1838 Joseph-Narcisse Cardinal, notaire, M. PP., Joseph Duquel, étudiant en droit. Le 18 janvier 1839 Pierre-Théophile Decoigne, notaire, Joseph Robert, Amable Sanguinet, Charles Sanguinet, F.-X. Hamelin, cultivateurs. Le 15 février 1839 François-Marie-Thomas chevalier de Lorimier, notaire, François Nicolas, instituteur, Pierre-Rémi Narbonne, peintre, Amable Daunais, cultivateur, Charles Hinderlang, militaire.
Par ailleurs, en lisant attentivement le texte gravé sur le monument qui rend hommage aux victimes de l’insurrection, j’ai découvert les noms de Marie-Anne Martel et de L B Durocher qui y étaient inscrits côte-à-côte, tombés à la bataille de St-Denis et de St-Charles. Mon père est un Martel et ma mère, une Durocher. Nous avons déposé une gerbe de fleurs improvisée au pied de nos aïeux (?) : c’est le geste qui compte. Mais qui pouvaient-ils bien être ? Notre marche s’est transformée en une quête puisque désormais nous voulons absolument découvrir si nous avons des liens avec eux (au-delà du projet socio-politico-culturel).
J’ai trouvé peu de choses sur le Web jusqu’ici concernant ces figures – pour ne pas dire rien. Toutes les recherches ne sont pas faciles et ne sont pas résolues sur la première page de résultats de Google, surtout lorsqu’on interroge les moteurs de recherche pour des questions historiques précises. Certaines sources peuvent aider mais leur agenda politique semble assez chargé. À quand une ressource de qualité, au Québec, comme Trove par exemple, intégrant et fédérant un ensemble de documents matériels, immatériels, multimédias dispersés ici ou là ?
J’ai été quand même assez étonnée de constater que François-Marie-Thomas de Lorimier possèdait une page Facebook. Et j’ai aussi appris que l’on pouvait visiter la Prison des Patriotes du Pied-du-Courant où ont été incarcérés et pendus de Lorimier et ses camarades. Ce bâtiment patrimonial abrite maintenant le siège de la Société des alcools du Québec.
À noter, sur LivresQuébécois.com, j’ai repéré l’Histoire des patriotes écrite entre 1937 et 1942 par Gérard Filteau. C’est un ouvrage qui a été réédité trois fois et dont la nouvelle quatrième version augmentée et comparée chez Septentrion est disponible en pdf (mais vraiment chère pour une ré-ré-ré-réédition, soit plus de 30$ avec les taxes…). J’ai aussi ajouté à ma bibliothèque numérique Famille-sans-nom de Jules Vernes qui est disponible gratuitement et immédiatement en différents formats.
Pour se reposer de cette journée thématique, nous avons visionné 15 novembre 1839 et Incendies à la file (mais ils sont en stéréo politique dans ma tête depuis…). La dernière scène du film Incendies se déroule au coeur d’un cimetière sur le Mont-Royal…Un certaine boucle intertextuelle a été bouclée.
La quête importe plus que le résultat, dit-on. L’important tient en cette exploration qui rapproche les lointains, qui tisse des relations entre les signes oubliés, entre les branches des arbres généalogiques, entre les êtres de partout et de nulle part, par les œuvres, par les documents, par le réseau infini des textes et du multimédia, par la pierre, le papier, le numérique. Surtout continuer à documenter et construire des liens, des ponts qui nous donne accès à la riche trame de l’expérience humaine…au risque de se perdre, au risque de se trouver.
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